On mange à Lyon, & en plusieurs autres païs, une sorte de truffe, nommée en Latin : Solanum esculentum ; & en François, truffes de Bourgogne rouges. Les Topinambours sont les nœuds d’une racine, divisée en plusieurs branches, laquelle se cultive dans les jardins, & qui pousse une plante haute de quatre pieds, garnie de grandes feuilles larges & pointuës. La Scorsonaire, autrement dite, Salsifix d’Espagne, à cause de sa premiere origine, est une racine laiteuse & charnuë, de la longueur d’un pied & de la grosseur du doigt, noire par dessus, blanche en dedans, tendre, cassante, & d’un gout doux & agréable, laquelle jette une tige ronde, canellée & creuse, haute de deux pieds, divisée en plusieurs rameaux cotoneux, couverts de feüilles longues & larges, qui sont d’un verd sombre & obscur. C’est une racine blanche & tendre, de la longueur de la main, & de la grosseur du doigt, fort douce au gout, laquelle pousse une plante haute de deux pieds, dont les feüilles, legerement crenelées en leurs bords, & d’une médiocre grandeur, sont attachées plusieurs ensemble à une côte. ’ensuivroit pas qu’on dût accuser nos chervis du même vice, puisqu’ils sont differens de ceux dont usoit ce Prince.
Heraclides, au rapport de Pline, donnoit le chervis comme un antidote contre le mercure. Elle n’a rien de mal sain ; elle rassasie beaucoup ; mais elle ne nourrit pas de même, quoi-qu’en dise l’Auteur du Traité des Dispenses, qui se proposant toûjours de persuader que le maigre nourrit plus que la viande, voudroit faire entendre que le chervis seul est une nourriture capable de rétablir la nature la plus usée & la plus abbatuë. La troisiéme Proposition, sçavoir, que ce qui compose le fruit, étant, comme on le suppose, un suc parfaitement dephlegmé, il s’ensuit qu’il n’y a rien de plus propre que le fruit à se laisser broïer dans l’estomac, & de plus aisé à se distribuer, ou à nous nourrir, n’est pas moins surprenante que l’autre : un Medecin, quelque peu instruit qu’il soit des premiers élemens de la science qu’il professe, doit sçavoir que le phlegme sert de vehicule aux autres principes des mixtes ; que c’est ce qui rend ces principes capables de s’insinuer dans les pores de la matiere, & que rien, par consequent, ne seroit moins propre à se distribuer & à nous nourrir, que les fruits, s’il étoit vrai qu’ils ne renfermassent point de phlegme.
Ces nœuds sont gros & charnus, comme des poires, bossus & de figure inégale, lisses & rougeâtres en dehors, blancs en dedans, & d’un gout douceâtre. En cas qu’on ait de la peine à passer à l’Anonyme, que les topinambours soient pleins d’un suc huileux, il cite le Livre & la page où il l’a lû ; c’est dans le Traité des Alimens de M. Lemeri, page 158. Cependant, si on lit ce Traité, voici ce qu’on y trouvera là-dessus. L’Anonyme, cependant, prend occasion de-là d’avancer comme un fait constant, que le navet fortifie & conserve la vûë. Cette racine se mange apprêtée de differentes façons ; quelques-uns l’aiment frite ; mais elle est plus saine, simplement boüillie dans l’eau, accommodée avec du beurre bien frais : elle est encore fort saine, dans le potage : cependant, de quelque maniere qu’on l’aprête, elle ne laisse pas d’être fort flatueuse, & c’est le vice general des raves, parmi lesquelles on sçait que le navet doit être compris. Peut-être verra-t-on dans la suite, que ce n’eût pas été le plus mauvais parti pour lui. Cette racine, qui en Espagne croît dans les bois montagneux, & qui parmi nous se cultive dans les jardins potagers, est la meilleure de toutes celles qui se mangent en Carême, & on ne peut nier qu’elle ne se digere facilement, pourvû qu’elle soit bien cuite, & qu’auparavant elle ait été ramolie dans de l’eau.
Elle tire son nom du païs des Topinambours, d’où elle vient, & où on prétend qu’elle est beaucoup meilleure : ce qui n’est pas difficile à croire, la qualité des climats apportant une grande difference dans celle des alimens. Il n’est pas seur que les chervis dont il parloit, fussent de la même espece que les nôtres ; mais cela n’empêche pas que nous n’en puissions autant dire de ceux qui sont en usage parmi nous. Pline rapporte que Tibere faisoit venir tous les ans pour sa table, des chervis d’Allemagne ; sur quoi nous observerons que nos chervis sont fort differens de ceux de Tibere. Il le donnoit encore aux convalescens & aux impuissans pour rappeller la chaleur naturelle ; mais c’étoit le chervis amer ; & c’est de celui-là dont parle Schroder, quand il dit que le chervis est un peu astringent, qu’il est bon contre la pierre, &c.